
Cours d’écoles conventionnelles et enjeux de santé, d’égalité et de citoyenneté
Les cours d’école standardisées, largement répandues dans les établissements scolaires, sont souvent constituées de vastes surfaces minérales, peu végétalisées, avec une organisation centrée sur la sécurité et la facilité de surveillance. Bien qu’efficaces d’un point de vue logistique, ces espaces ont des effets délétères sur le développement global des enfants.
- D’un point de vue cognitif et émotionnel, ces environnements pauvres en stimulations réduisent les opportunités d’exploration, de créativité et de prise d’initiative. Hart (1979), dans ses travaux fondateurs sur la géographie de l’enfant, souligne que les enfants privés d’environnements riches et variés développent moins d’autonomie et de compétences d’adaptation. Les cours standardisées restreignent également l’expérience du jeu libre, pourtant reconnu comme fondamental pour le développement de la résilience et des fonctions exécutives (Ginsburg, 2007).
- En l’absence de nature et de diversité sensorielle, les enfants sont également plus exposés à des troubles de l’attention, de la régulation émotionnelle et à une baisse du sentiment de bien-être. Louv (2008), dans Last Child in the Woods, alerte sur le « déficit de nature » chez les enfants, corrélé à une augmentation des troubles anxieux, de l’obésité et de l’isolement social. Une étude de Wells (2000) a par ailleurs montré que l’introduction de végétation autour de l’école améliore la capacité de concentration et les relations sociales.
- Les inégalités d’usage de l’espace sont également renforcées dans ces cours monofonctionnelles. Tranter et Malone (2004) indiquent que la conception de nombreuses cours favorise des jeux compétitifs et bruyants, majoritairement masculins, marginalisant les enfants qui préfèrent des activités calmes ou symboliques, souvent les filles. Cela entraîne une exclusion partielle ou totale de certains groupes d’enfants et limite leur engagement actif dans les temps de récréation.
- Enfin, la logique de surveillance passive par les adultes, centrée sur la prévention des incidents, empêche un véritable accompagnement éducatif du vivre-ensemble. Ce modèle renforce une dynamique de contrôle plutôt que de coopération, au détriment du développement des compétences sociales et de la régulation des conflits (Lamarre & Depover, 2016).

Des cours d’écoles vivantes comme leviers de développement des compétences psychosociales et de la résilience chez nos enfants
1. La prise de risque encadrée, essentielle au développement
Les enfants ont besoin d’explorer leurs limites pour apprendre à évaluer les dangers, réguler leurs émotions et construire leur autonomie. Les recherches de Brussoni et al. (2015) montrent que le jeu libre en extérieur, incluant une part de risque (grimper, courir, se cacher, jouer sans adulte), améliore la motricité, la résilience, la prise de décision et diminue les comportements sédentaires. À l’inverse, une protection excessive renforce l’anxiété et freine le développement du jugement (Gray, 2011).
2. Le contact avec la nature, facteur de bien-être et d’attention
Les environnements naturels en milieu scolaire favorisent la concentration, réduisent le stress et renforcent les capacités relationnelles. Une méta-analyse de Kuo et Taylor (2009) démontre que les enfants exposés régulièrement à des milieux végétalisés présentent de meilleures capacités attentionnelles et une réduction des symptômes de TDAH. La présence d’arbres, de buttes de terre, de zones végétalisées favorise aussi les jeux calmes, coopératifs et inclusifs.
3. Mixité des usages, inclusion et coopération
Les cours de récréation repensées avec une diversité de micro-espaces (zones calmes, sportives, de jeux libres ou symboliques) permettent une coexistence de différents types d’activités, répondant aux besoins variés des enfants selon l’âge, le genre ou la personnalité. Cela favorise une mixité sociale et genrée, réduit les tensions liées à l’appropriation de l’espace (Delalande & Louison, 2021), et renforce les compétences sociales, notamment l’empathie et la coopération (Durlak et al., 2011).
4. Un lieu d’apprentissage du vivre-ensemble
Les cours d’école peuvent devenir des espaces d’apprentissage de la citoyenneté, en intégrant les enfants aux décisions d’usage ou de transformation (ateliers participatifs, règles construites collectivement). Ces pratiques renforcent la compréhension des règles sociales, la gestion des conflits, et l’intériorisation des limites. Selon les travaux de Rochex et Crinon (2011), ces expériences participatives développent chez les enfants un sens de la responsabilité et une meilleure estime de soi.
5. Un accompagnement éducatif, et non une simple surveillance
Remplacer la surveillance passive par un accompagnement bienveillant favorise un climat sécurisant sans être autoritaire. Certains projets, comme les cours oasis (programme de la Ville de Paris), ou les écoles en forêts en Scandinavie, montrent que la posture de l’adulte comme observateur attentif et médiateur encourage la créativité, l’expression libre et l’autorégulation.

Les nombreux bénéfices d’une cour d’école vivante, riche et engageante
1. Amélioration du bien-être physique et mental des enfants
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Les enfants bénéficient d’un contact direct avec la nature, ce qui réduit le stress et améliore l’humeur.
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Les environnements naturels à l’école améliorent les capacités attentionnelles.
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Le programme Green Schoolyards (États-Unis) rapporte une diminution de l’anxiété et des comportements impulsifs.
2. Impact sur la santé
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Le contact avec des sols, des plantes, des animaux et d’autres éléments naturels favorise la diversité microbienne proche de l’enfant, ce qui est associé à un meilleur développement du système immunitaire et une meilleure gestion des inflammations.
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Les cours végétalisées favorisent le développement de réponses immunitaires équilibrées et réduisent ainsi les allergies.
3. Diversification des jeux et augmentation de l’activité physique
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La présence de végétation, de reliefs et de matériaux variés permet aux enfants de développer des jeux moins compétitifs, plus collaboratifs et plus créatifs.
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Les enfants bougent davantage, dans des formes de motricité plus riches que les seuls jeux de ballon sur sol plat.
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Ces cours favorisent l’activité physique chez un plus grand nombre d’enfants, y compris ceux qui ne participent pas aux sports traditionnels.
4. Réduction des conflits et meilleure inclusion
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La diversification des espaces permet une meilleure répartition des enfants dans la cour, ce qui réduit les tensions et les conflits.
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Le programme Cours Oasis (Ville de Paris) rapporte une baisse significative des disputes et une meilleure inclusion des filles et des enfants plus calmes.
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L’espace devient plus équitable : les usages genrés diminuent, et davantage d’enfants trouvent leur place.
5. Développement de l’autonomie et des compétences sociales
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L’aménagement de recoins, de zones à inventer ou à entretenir favorise la prise d’initiative, l’entraide et la résolution autonome des conflits.
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Ces environnements soutiennent le développement des compétences psychosociales, reconnues par l’OMS comme fondamentales pour la santé mentale.
6. Potentiel pédagogique accru
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Ces cours deviennent des extensions de la classe : jardinage, observation de la faune, classes dehors…
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Les enseignants engagés dans ces projets signalent une motivation accrue des élèves et une meilleure attention au retour en classe

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